Mon enfant ne me comprend pas, dois-je m'inquiéter ?

· Pédagogie,Hygiène et Santé

C’est le matin, vous êtes en retard au travail et vous devez encore déposer votre enfant à la crèche… Vous lui lancez à travers le salon : «Dépêche toi, va prendre tes chaussures et viens!». Mais quand celui-ci arrive, il est encore pieds nus et tient dans chaque main ses petites voitures préférées.

Vous pensiez avoir énoncé une consigne claire et pourtant votre enfant fait tout l’inverse de ce que vous lui avez demandé, ou vous regarde sans comprendre ce que vous attendez de lui ? Il est courant d’être confronté à ce genre de situation avec des tout-petits. Que se passe-t-il donc dans leur tête ?

A l'intérieur du cerveau du jeune enfant…

Tout d’abord, il est important de rappeler le développement neurologique de l’enfant entre 1 et 3 ans. A cet âge, l’enfant est en plein apprentissage du contrôle de ses émotions. Cela s’explique par l’immaturité de son néocortex, et particulièrement du cortex préfrontal, siège des fonctions exécutives : l’inhibition, qui nous empêche par exemple de taper les autres lorsque l’on est frustré ; le raisonnement, qui permet à l’enfant de se dire «ce n’est pas grave si je n’ai pas de gâteau tout de suite, j’en aurai un au goûter» ; la capacité d’abstraction grâce à laquelle il sera capable de comprendre des concepts abstraits comme la temporalité «Maman revient à la maison dans trois jours»; l’anticipation, qui permet à l’enfant qui se sépare le matin de ses parents d’anticiper ses retrouvailles avec eux le soir et de relativiser; la planification, un jeune enfant n’est pas capable de planifier ses actions, il ne se dit pas «Je vais jeter mon jeu par terre pour énerver maman parce que je sais qu’elle n’aime pas ça», il jette son jeu par terre car c’est le seul moyen pour lui d’évacuer une émotion, la colère. Le développement du néocortex permet donc à l’enfant de canaliser son cerveau émotionnel.

Outre le fait que son cerveau soit au tout début de son développement, celui-ci est aussi très lent. En effet, le processus de myélinisation (formation autour des cellules nerveuses d’une gaine de substance blanche -appelée myéline- qui accélère le transport de l’information dans le cerveau) n’est pas terminé : le message passe donc plus lentement d’un neurone à l’autre.

Par ailleurs, le développement neurologique de l’enfant est étroitement lié à son développement psychomoteur. Chaque fois qu’un enfant porte quelque chose à sa bouche, manipule un jouet, se hisse sur un meuble, bref, expérimente son environnement grâce à ses sens, c’est un million de nouvelles connexions neuronales qui se créent dans son cerveau !

Alors comment communiquer avec eux ?

Face à ces petits cerveaux en plein développement, comment réagir en tant qu’adultes pour que les enfants nous comprennent mieux ?

La première possibilité peut être de simplifier la consigne en lui demandant de faire une action à la fois. Les consignes doubles (prend ton doudou et ta tétine et viens te coucher) ne sont compréhensibles pour l’enfant qu’à partir de deux ans environ. Avant cela, il n’intégrera et donc ne pourra réaliser qu’une action sur les deux. Proposez lui d’abord d’aller chercher son doudou et sa tétine, et une fois cela fait, demandez-lui de venir se coucher.

Nous pouvons ensuite utiliser des phrases positives. Les enfants de cet âge comprennent encore difficilement le concept de négation. La phrase ne monte pas sur la table va relier dans son esprit les mots monter et table, et il aura tendance à vouloir tester cette action, tandis que la phrase descend de la table exprime clairement ce que l’on attend de lui.

C’est également vers deux ans que l’enfant comprend lorsqu’on lui parle d’un objet qu’il ne voit pas : il commence à être capable d’abstraction. Avant cet âge, l’objet n’existe tout simplement pas pour l’enfant. Il sera également capable de se représenter des indications spatiales comme ton doudou est devant la porte, ou sous ta chaise.

Enfin, nous pouvons illustrer notre phrase d’un geste ou d’une expression : pointer du doigt l’objet dont nous parlons, ou froncer les sourcils, sans agressivité, pour lui faire comprendre que nous ne sommes pas d’accord. L’enfant est très sensible au ton employé, à l’émotion ressentie par l’adulte, qui sont des clés pour comprendre plus facilement ce qu’il lui est demandé.

Ainsi, il est parfaitement normal que votre enfant ne vous comprenne pas toujours. D’autres raisons peuvent également expliquer une incompréhension de sa part : il est possible qu’il ne connaisse pasles mots que vous employez ; que, trop pris par son jeu, il ne soit pas attentif à ce que vous lui demandez ; ou encore que vous lui parliez de trop loin et qu’il ne soit pas clair pour votre enfant que c’est à lui que vous vous adressez.

Alors, pas d’inquiétude à avoir : soyons patients, laissons-leur le temps, et rappelons-nous que leurs capacités ne sont pas les mêmes que les nôtres !

Avril 2020

Marie de Saint Maurice - Animatrice petite enfance chez Paidou

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