Dans l’imaginaire collectif, nous pensons que nos goûts, à l’instar de nos traits physiques et des hypothétiques allergies que nous pourrons avoir, sont héréditaires. Ainsi, si papa ou maman déteste les haricots verts, je détesterai moi aussi les haricots verts.
Si nous poussons le raisonnement, mes enfants et leurs enfants détesteront les haricots verts et ceux pour des générations. Bien triste destin pour les haricots verts. Vous en conviendrez, l’idée peut sembler quelque peu farfelue.
Or, il semblerait que pour la question des « phases de développement de l’enfant », nous ayons exactement le même raisonnement : tout comme son père ou sa mère avant lui, mon enfant sera propre très tôt, marchera à 20 mois ou parlera tard. Mais est-ce totalement vrai ?
Il est vrai que de la naissance à un an, le cerveau du bébé se développe selon les gênes héritées de la famille mais pas seulement : les expériences de vie ont aussi une grande importance dans ce développement.
En d’autres termes, disons que l’enfant arrive au monde avec une valise pleine de vêtements que lui ont offerts ses parents, une vraie garde-robe parentale. Pourtant, cette valise ne restera pas identique à la valise de papa et maman : il va la trier, la vider et la remplir au fur et à mesure des expériences qu’il va vivre. C’est ce que nous appelons la notion d’héritabilité génétique, une donnée statistique estimant le degré d’influence de la génétique pour une population précise.
Donc non, ce n’est pas totalement vrai car il n’y a rien de définitif et chaque enfant est différent. Pour reprendre l’exemple en préambule, un enfant pourra aimer les haricots verts même si son père ne les aime pas. Par contre, si son père a pour habitude de rejeter les haricots verts à la maison, de montrer du dégoût, l’expérience du jeune enfant va sans doute l’amener à refuser lui aussi les haricots. Nous pointons ici du doigt l’importance de l’adulte dans la construction de l’enfant comme sujet car nous influençons directement et/ou indirectement par nos actions le devenir de cet enfant.
Enfin, pour en revenir aux phases de développement de l’enfant, nous faisons une autre erreur : la comparaison. Nous ne pouvons nier une certaine pression sociale ou familiale portée sur les apprentissages et les nouvelles capacités des enfants et, de ce fait, il est très difficile pour des parents de ne pas tomber dans la comparaison, qu’elle soit entre enfants ou entre l’enfant que nous étions et notre enfant. Cependant, je pense que nous avons eu suffisamment d’expériences pour affirmer que chaque être humain est différent. Ne disons-nous pas « comparaison n’est pas raison » ?
Pour les enfants, la comparaison n’est jamais raison. Tout d’abord, les phases de développement ne sont pas linéaires : dans un schéma linéaire un enfant va ramper, puis se mettre à 4 pattes avant d’oser se mettre debout et marcher. Or par exemple, certains enfants ont une phase de régression avant de marcher car pendant quelques semaines, ils vont à nouveau ramper. D’autres vont zapper l’étape du 4 pattes. Chaque enfant se développe à son rythme propre et individuel ; convenons-en, quoiqu’il arrive et sauf cas particulier, chaque enfant marchera, parlera, enlèvera sa couche et peu importe qu’il l'ait fait pour la première fois à 18 mois ou deux ans, cette étape sera franchie. A nous de réunir les conditions nécessaires pour qu’il puisse trouver quand il en aura besoin un cadre propice à ses expériences.
Août 2019
Anthony Stephanov - Éducateur de Jeunes Enfants et Directeur chez Païdou