J’ai toujours peur que mon enfant tombe : dois-je quand même lui faire confiance ?

· Pédagogie

Il n'existe pas un seul parent ni professionnel de la petite enfance qui n'a jamais prononcé l'une de ces phrases : "attention tu vas tomber" ou "tu vas te faire mal" en voyant un enfant s’approcher dangereusement du bord du toboggan. Ce sont des phrases quasiment automatiques et non réfléchies que nous avons tous l'habitude de dire dès que nous voyons un enfant faire quelque chose de risqué selon nous. Cela traduit en vérité notre peur de les voir tomber mais il ne faut pas ignorer que c’est aussi parce que nous avons-nous-même grandit en entendant ces mots-là.

 

Quand motricité libre rime avec expériences multiples 

Vous vous revoyez encore prononcer cette phrase hier soir lorsqu'il sautait sur son lit ou même ce matin quand elle se balançait sursa chaise pendant son petit déjeuner. Tout simplement parce que tous les enfants, et c'est un fait universel, aiment tester leurs limites, découvrir toutes les capacités motrices et intellectuelles qu'ils peuvent développer lorsqu'ils sont en train de grimper ici ou là. Bien souvent d’ailleurs, quand arrive la chute, c’est qu’ils ont poussé leurs expériences trop loin.

Malgré tout l'environnement sécurisant que nous leur offrons et même celui en crèche qui leur est dédié où nous cultivons une pédagogie tournée autour de la motricité libre, nous savons que le risque 0 n'existe pas. Il est donc tout à fait humain d'avoir peur pour son enfant et de vouloir le protéger de tous les dangers possibles.    

Nos mots influent le comportement des enfants   

En revanche, il réside une très grande différence entre dire à un enfant "tu vas" et lui affirmer "tu peux". Tout simplement, si nous reprenons la seule définition de ces deux mots "aller" et "pouvoir", nous avons la première raison de cette différence. "Aller" : futur proche indiquant que quelque chose est sur le point de se produire. Or, "Pouvoir" : qui risque de se produire.  

Voyez-vous où je veux en venir ? Lorsque nous disons à un enfant " attention tu vas tomber!" généralement accompagné d'une expression faciale forte exprimant la colère ou la peur (qui peut tout à fait se comprendre), nous assurons à cet enfant, que dans un premier temps, le risque existe mais surtout que nous le laisserons tomber.    

Si nous employons plutôt "attention tu peux tomber" ou « j’ai peur que tu tombes », nous avons eu le temps de réfléchir aux risques possibles d'une chute mais nous lui indiquons surtout que nous le regardons faire et interviendrons au moindre petit dérapage avant qu'il ne se fasse mal.    

Autoriser l’enfant à prendre des risques mesurés   

L'enfant a besoin d'explorer son environnement, nonseulement pour développer ses capacités motrices et devenir de plus en plusstable pour apprendre à marcher ou courir mais aussi car cela créé dans son cerveau un tas de connexions neuronales nécessaires au bon développement de ce dernier. Au-delà du bien fait psychique, l'enfant a également un besoin physique d'expérimenter ses limites corporelles, de se dépenser, de découvrir et de partager avec les autres enfants lors d'un temps qui permet à chacun de redéfinir sa place au sein d'un groupe (exemple: il est plus fort que moi pour grimper mais je suis plus rapide à la course...).   

Mon dernier argument vient de la confiance que nous avons envers les enfants. Et oui, qui nous dit que parce qu'il glisse la tête la première du toboggan il "va" se casser une dent à coup sûr ou que lorsqu'il saute sur le canapé il "va" forcément en tomber et se fairemal quelque part ? 

Evidemment qu'il ne faut pas tout autoriser avec comme seul argument de les laisser découvrir par eux-mêmes et qu'ils « apprendront en se faisant mal et puis tant mieux comme ça ils ne recommenceront pas" (ce qui est faux d'ailleurs, ils retenteront toujours).    

Aménager l’espace et son positionnement pour accompagner les expériences 

Plutôt que de prédire une éventuelle chute dans vospropos, pourquoi ne pas accompagner les enfants en leur montrant que nous avons confiance en eux et qu'en cas de chute ou de bobos nous serons là pour les soigner. Cela passe par deux choses : un aménagement de l’espace le plus sécurisant à vos yeux. Si vous avez besoin de mettre un matelas rembourré au cas où n’hésitez pas. Cela vous permettra d’appréhender sa chute avec beaucoup moins d’émotions et donc d’être plus observateurs des réussites de votre enfant. La deuxième chose est, quand c’est possible, de vous déplacer près de la zone à risques. Ainsi, vous pourrez réceptionner la chute sans avoir même besoin de parler. Le but est qu'ils n'aient pas peur d'essayer, nous veillerons du mieux qu'on peut à les encourager et les féliciter à chacune de leurréussite, car c’est bien l’essentiel !  

Camille Yoka– Animatrice petite enfance chez Païdou 

Novembre 2021 

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