« Tu mets ton manteau ? Non ! Tu veux sortir sans alors ? Non ! Tu veux prendre ton vélo ? Non ! Euhm ça a l’air bon ce gâteau ! Non ! » Tous les jours, vous entendez ce mot magnifique « Non, non, non et noon ! » ! Sachez tout d’abord, mais vous le savez bien, qu’il n’y a pas d’inquiétude à avoir car tout est normal, vous êtes beaucoup de parents dans ce cas. Cette phase du non arrive généralement entre 18 mois et 2 ans et demi. Elle touche quasiment tous les enfants, plus ou moins fort.
Aussi pénible soit elle, cette phase n’est qu’une phase, qui plus est nécessaire pour le bon développement de votre enfant. Bien que vous devriez normalement y survivre et votre enfant aussi, existe-t-il des astuces pour traverser cela sereinement ? Peut-on avoir, en tant qu’adultes entourant l’enfant, un réel impact sur ce tourbillon émotionnel qu’il traverse ?
Un travail dès son plus jeune âge sur notre utilisation du « non »
Avant 9 mois, la négation est quasiment incompréhensible pour un enfant. Gardez en tête que dans une phrase type « ne touche pas à ça », l’enfant en bas âge va se concentrer sur le mot qu’il comprend (en l’occurrence « touche »). Il va complètement passer à côté de la négation et au mieux ira toucher ce que vous lui montrez. De ce fait, en allant toucher encore ce qui est interdit, vous lui direz « non ».
C’est ici que doit se situer la première prise de conscience : très tôt, les enfants sont entourés par ce mot, à tel point qu’il en devient un mot d’adulte. Vous êtes un modèle pour votre enfant. Ainsi, plus ce mot fera parti de son quotidien, plus il aura envie de s’en saisir en grandissant.
L’imitation jouant son rôle, faire comme les grands passera incontestablement par l’utilisation du « non » dès lors qu’il en maitrisera la prononciation.
La grande difficulté va être alors de modifier ses phrases en restant sur des tournures positives : « descend » plutôt que « ne monte pas », « viens » plutôt que « ne va pas là-bas », etc. Cette action invisible en amont permettra peut-être d’avoir un impact sur la future phase d’opposition de votre enfant.
Votre enfant s’oppose pour mieux exister
Vers 18 mois, l’enfant est dans un dilemme : ce n’est définitivement plus un bébé mais nous ne pouvons pas dire encore que c’est un grand enfant. Le passage de « bébé » à « grand » passe par l’imitation des adultes. Pour être un grand, il faut faire comme eux (et parler comme eux comme nous l’avons vu précédemment).
De plus, il se rend compte que vous et lui ne faites pas qu’un, qu’il peut avoir des envies différentes, des besoins différents et même des centres d’intérêts différents de vous. Là encore, vous sentez un autre dilemme : je veux faire comme les adultes pour grandir, mais je veux me différencier d’eux pour exister. Qu’elle est difficile la vie d’enfant.
Pour exister, il va devoir donc se différencier de vous, notamment en s’opposant. Pour votre enfant, c’est une manière de vous dire je suis diffèrent de vous. Si je fais ce que tu me dis, je n’existe pas. Ce n’est pas pour rien si cette phase est aussi appelée la « première adolescence ». Mais si cette étape paraît difficile pour vous, elle l’est aussi pour lui car il construit sa personnalité et est pris dans un tourbillon d’émotions et d’envies contradictoires qu’il ne contrôle pas toujours.
Il semble être « pénible » mais il s’autonomise
Ce que vous vivez comme une véritable rébellion est donc en fait une phase d’autonomisation ! Votre enfant grandit : il est plus habile avec son corps et a envie de faire seul les choses du quotidien… sans forcément y parvenir. Il est souvent même en contradiction avec ses propres capacités motrices. Cela va susciter de nombreuses frustrations chez votre enfant.
Néanmoins, il est primordial de l’accompagner dans ses apprentissages, encouragez-le, cela lui donnera d’autant plus confiance en lui. Donnez-lui quelques clefs pour qu’il arrive à faire seul. Pour traverser cette période, vous allez devoir apprendre la patience.
Prenons un exemple simple : le matin, votre enfant a envie de mettre ses chaussures seul. Cependant, vous êtes pressés et il est impossible de le laisser 20 minutes à tenter de les mettre. Trois solutions s’offrent à vous : anticiper cette envie de votre enfant en lui permettant de mettre ses chaussures pendant que vous vous préparez (il aura ainsi peut être 5 minutes pour essayer) / lui proposer qu’il vous mette vos chaussures et vous les siennes (ce sera normalement plus simple pour lui de vous mettre vos chaussures et il sera heureux de rendre service) / lui offrir dans la journée, sous forme de jeux, des temps d’habillage et déshabillage où il pourra s’exercer pendant de longues minutes, sans contrainte, à mettre et enlever ses chaussures.
Parfois, lui laisser le choix est productif
Ici, le mot « parfois » a toute son importance. En effet, tout est relatif : le but n’est pas de laisser votre enfant décider de tout mais bien de lui donner l’impression qu’il a le choix sur certains sujets. C’est ce que nous appelons la négociation. Par exemple, si vous lui demandez de mettre son manteau, il y a de fortes chances qu’il vous réponde « non » même si c’est demandé le plus gentiment du monde. Pour éviter d’aller directement au conflit, proposez-lui de décider par quoi il va commencer, vous pouvez aussi lui demander quel manteau il veut mettre. La coopération de votre enfant sera votre meilleur allié dans cette période difficile.
Quelques stratégies sont contre-productives dans cette phase
Voici une petite liste des attitudes de l’adulte qui peuvent accentuer la force des crises quand elles surviennent chez votre enfant et qui sont donc à éviter autant que faire se peut :
- Crier (« je t’ai dit de venir tout de suite ») car en tant que modèle, vous devez montrer que vous maitrisez vos émotions.
- Acheter son obéissance en lui promettant quelque chose ou en le suppliant d’obéir à votre demande voire même en lui achetant des bonbons. Sur le moment, la paix sera trouvée mais la prochaine fois, le même schéma se répètera.
- Laisser tomber votre demande. Trop souvent, on fait une ou deux fois la même demande et nous laissons ensuite tomber quand l’enfant répond « non ». C’est là qu’il faut trouver la stratégie du compromis.
- Tenter de tout contrôler par envie de le canaliser. Dans ce cas, l’enfant peut sentir que sa liberté est brimée et donc ressentir une certaine colère pour la moindre demande de l’adulte.
- Utiliser des mots d’adultes pour le qualifier comme « égoïste » ou « comédien ». (il n’est pas égoïste, c’est seulement un petit être en développement). De plus, ce n’est pas lui qui est égoïste, c’est au pire son action. Il est important qu’il comprenne que vous l’aimez malgré ses actions.
- Le menacer : « plus jamais je ne t’emmènerai au supermarché si tu continues ». La colère n’en sera que plus forte.
Mais d’autres pistes sont à envisager
Pour les adultes entourant l’enfant, il est très difficile de suivre toutes ses recommandations, nous le savons bien, car nous agissons aussi selon nos propres émotions, notre niveau de fatigue, etc. Avoir une réaction cohérente et réfléchie n’est pas possible à chaque fois que nous sommes sollicités par le « non » de notre enfant. Cependant, quelques pistes permettent d’atténuer les effets de cette phase :
- Prévenir votre enfant bien en amont lorsque la situation le permet. Ainsi, l’enfant sera moins frustré au moment d’arriver à cet obstacle. C’est notamment le cas pour la fin d’un jeu, d’une activité ou d’une sortie.
- Donner un faux choix à l’enfant, on cible le comportement que l’on souhaite et on propose deux alternatives, il ressent une certaine autonomie et cela répond à son besoin. Cela peut paraitre quelque peu manipulateur mais il faut savoir être stratégique parfois.
- Utiliser la règle du quand. Encore là, on lui donne une certaine part d’autonomie à l’enfant. On lui laisse le choix de décider : « tu veux mettre ton manteau avant ou après le petit déjeuner ? ». Alors oui vous allez avoir des situations farfelues mais vous en rigolerez plus tard.
- Faire du renforcement positif : féliciter l’enfant chaque fois qu’il fait ce que vous avez demandé sans répondre non. Cela permet de créer une autre dynamique dans le rapport de force. Si quand il fait bien les choses, il n’a aucune attention alors que quand il ne le fait pas, vous êtes avec lui un long moment, vous pouvez être assuré qu’il préfèrera les faire mal. Il est donc important de lui dire « je suis content que tu veuilles bien sortir, mettre ton manteau, etc. »
Surtout ne vous découragez pas, cette phase du non est souvent passagère. Avec de la patience et une intervention positive auprès de lui, on leur apprend très vite que la stratégie du « non » n’est peut-être pas gagnante. Alors oui, il y aura des grosses larmes, des ratés dans votre stratégie mais en éducation, il n’y a pas d’échec. Votre enfant grandit, c’est en ce point très positif et puis cela vous entraîne pour sa future adolescence.
Novembre 2020
Cécilia Zacko – Animatrice petite enfance chez Païdou
Anthony Stephanov – référent pédagogique et directeur chez Païdou
Photo by Marcos Paulo Prado on Unsplash